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ÉCONOMISTE.

jours sans fumer ; mais il perdait sa gaîté, il allait et venait comme s’il eût été à la recherche de quelque objet perdu ; puis il finissait par trouver sa pipe.

À la vue de l’objet aimé, le sang lui montait au cerveau, il se troublait, et ses bonnes résolutions s’évanouissaient.

On le voyait bientôt comme de plus belle se promener de long en large sur le perron de son presbytère en faisant monter vers le ciel de longues spirales de fumée.

Au fond, Jean Rivard pardonnait facilement à son ami cette légère faiblesse qui composait, à peu près, son seul amusement.

Au reste, ces petites dissertations, moitié badines moitié sérieuses, n’empêchaient pas les deux amis de s’occuper d’affaires importantes.

Il fallait voir avec quel zèle, quelle chaleur ils discutaient toutes les questions qui pouvaient exercer quelque influence sur l’avenir de Rivardville ! Jamais roi, empereur, président, dictateur ou souverain quelconque ne prit autant d’intérêt au bonheur et à la prospérité de ses sujets que n’en prenaient les deux amis au succès des habitants de leur paroisse.

Le jeune curé possédait une intelligence à la hauteur de celle de Jean Rivard, et quoiqu’il fût d’une grande piété et que ses devoirs de prêtre l’occupassent plus que tout le reste, il se faisait aussi un devoir d’étudier avec soin tout ce qui pouvait influer sur la condition matérielle des peuples dont les besoins spirituels lui étaient confiés. Il comprenait parfaitement tout ce que peuvent produire, dans l’intérêt de la morale et de la civilisation bien entendue, le travail intelligent, éclairé, l’aisance plus générale,