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JEAN RIVARD

« Aujourd’hui il se trouve amplement récompensé. Propriétaire de la terre que vous avez vue, et qui est une des plus belles de la paroisse, il cultive avec beaucoup d’intelligence, il a de fort beaux animaux, il est bien logé de maison et de bâtiments : il est enfin ce qu’on peut appeler un cultivateur à l’aise. Ses enfants commencent à fréquenter l’école et font preuve de talents ; il soupire après le jour où ils pourront lire l’Imitation de Jésus-Christ et les histoires de Napoléon, de Don Quichotte et de Robinson Crusoé. Sa femme Françoise les élève bien et travaille autant que son mari ; c’est un ménage modèle.

« Ou peut-on trouver plus de mérite réel que chez cet homme !…

Nous en étions là de notre conversation quand Pierre Gagnon lui-même, suivi de l’aîné de ses enfants, passa devant la porte pour se rendre à la gare du chemin de fer. Jean Rivard l’appela et nous présenta l’un à l’autre.

Tout en marchant ensemble vers les chars, j’adressai plusieurs fois la parole à Pierre Gagnon, et je fis quelque allusion à la conversation que nous venions d’avoir à son sujet.

Ah ! il est toujours comme ça, le bourgeois, dit Pierre Gagnon, il croit les autres plus futés que lui ; mais ce n’est pas à moi qu’il en fera accroire. Je voudrais que vous pussiez le connaître à fond. Il est aussi savant que monsieur le curé, il sait la loi aussi bien qu’un avocat, ce qui n’empêche pas qu’il laboure une beauté mieux que moi. Il mène toute la paroisse comme il veut, et s’il n’est pas resté membre de la chambre, c’est parce qu’il n’a pas voulu,