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JEAN RIVARD

jusqu’à sa voiture qui l’attendait à la porte du magasin de M. Lacasse.

Plusieurs centaines de personnes se réunirent dans le but d’accompagner à Rivardville le candidat vainqueur. Au moment où les voitures se préparaient à partir, M. Lacasse s’avança sur la galerie du second étage de sa maison, et s’adressant à la foule :

« Mes amis, dit-il, j’ai une petite histoire à vous conter. Il y a dix ans, un jeune homme tout frais sorti du collége, vint un jour frapper à ma porte. Il venait de l’autre côté du fleuve. Son désir était de s’enfoncer dans la forêt pour s’y créer un établissement. Il n’avait pas l’air très fort, mais je vis à ses premières paroles qu’un cœur vaillant battait dans sa poitrine. (Applaudissements.) Je le vis partir à pied, suivi d’un homme à son service, tous deux portant sur leurs épaules des sacs de provisions et les ustensiles du défricheur. En le voyant partir, je ne pus m’empêcher de m’écrier : il y a du cœur et du nerf chez ce jeune homme ; il réussira, ou je me tromperai fort. (Applaudissements.) Eh bien ! mes amis, ce jeune homme, vous le reconnaissez sans doute ? (Oui, oui, hourra pour Jean Rivard !) Au milieu de cette forêt touffue, qu’il traversa à pied, s’élève aujourd’hui la belle et riche paroisse de Rivardville. Électeurs du comté de Bristol, vous dont le travail et l’industrie ont fait de ce comté, ce qu’il est aujourd’hui, dites y a-t-il quelqu’un plus digne de vous représenter en parlement ? »

Des cris de non, non, et des hourras répétés suivirent ces paroles de M. Lacasse.

Jean Rivard s’avança alors, et le silence s’étant rétabli :