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CH. VII. LE DROIT DE SUCCESSION.

de Rome. Les trois peuples ont les mêmes lois, non qu’ils se soient fait des emprunts, mais parce qu’ils ont tiré leurs lois des mêmes croyances.

« Après la mort du père, dit le code de Manou, que les frères se partagent entre eux le patrimoine ; » et le législateur ajoute qu’il recommande aux frères de doter leurs sœurs, ce qui achève de montrer que celles-ci n’ont par elles-mêmes aucun droit à la succession paternelle.

Il en est de même à Athènes. Démosthènes dans ses plaidoyers a souvent l’occasion de montrer que les filles n’héritent pas[1]. Il est lui-même un exemple de l’application de cette règle ; car il avait une sœur, et nous savons par ses propres écrits qu’il a été l’unique héritier du patrimoine ; son père en avait réservé seulement la septième partie pour doter sa fille.

Pour ce qui est de Rome, les disposions du droit primitif qui excluaient les filles de la succession, ne nous sont pas connues par des textes formels et précis ; mais elles ont laissé des traces profondes dans le droit des époques postérieures. Les Institutes de Justinien excluent encore la fille du nombre des héritiers naturels, si elle n’est plus sous la puissance du père ; or elle n’y est plus dès qu’elle est mariée suivant les rites religieux[2]. Il résulte déjà de ce texte que, si la fille avant d’être mariée pouvait partager l’héritage avec son frère, elle ne le pouvait certainement pas dès que le mariage l’avait attachée à une autre religion et à une autre famille. Et s’il en était encore ainsi au temps de Justinien, on peut supposer que dans le droit primitif le principe était appliqué dans toute sa rigueur et que la fille non mariée

  1. Démosth., in Bœotum. Isée, X, 4. Lysias, in Mantith., 10.
  2. Institutes, II, 9, 2.