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LIVRE II. LA FAMILLE.

velle maison, la maison paternelle lui devenait étrangère. Il n’avait plus rien de commun avec le foyer qui l’avait vu naître et ne pouvait plus offrir le repas funèbre à ses propres ancêtres. Le lien de la naissance était brisé ; le lien nouveau du culte l’emportait. L’homme devenait si complétement étranger à son ancienne famille que, s’il venait à mourir, son père naturel n’avait pas le droit de se charger de ses funérailles et de conduire son convoi. Le fil adopté ne pouvait plus rentrer dans son ancienne famille ; tout au plus la loi le lui permettait-elle si, ayant un fils, il le laissait à sa place dans la famille adoptante. On considérait que, la perpétuité de cette famille étant ainsi assurée, il pouvait en sortir. Mais alors il rompait tout lien avec son propre fils[1].

À l’adoption correspondait comme corrélatif l’émancipation. Pour qu’un fils pût entrer dans une nouvelle famille, il fallait nécessairement qu’il eût pu sortir de l’ancienne, c’est-à-dire qu’il eût été affranchi de sa religion[2]. Le principal effet de l’émancipation était le renoncement au culte de la famille où l’on était né. Les Romains désignaient cet acte par le nom bien significatif de sacrorum detestatio[3].


CHAPITRE V.

DE LA PARENTÉ. DE CE QUE LES ROMAINS APPELAIENT AGNATION.

Platon dit que la parenté est la communauté des mêmes dieux domestiques[4]. Quand Démosthènes veut

  1. Isée, VI, 44 ; X, 11. Démosth. contre Léochares. Antiphon, Frag., 15. Comp., Lois de Manou, IX, 142.
  2. Consuetudo apud antiquos fuit ut qui in familiam transiret prius se abdicaret ab ea in qua natus fuerat. Servius, ad Æn., II, 156.
  3. Aulu-Gelle, XV, 27.
  4. Platon, Lois, V, p. 729.