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LIVRE V. LE RÉGIME MUNICIPAL DISPARAÎT.

l’année, et le stratége, autrefois chef de l’armée et de l’État, n’avait plus que le soin de la voirie et l’inspection des marchés[1].

Les institutions municipales périssaient donc aussi bien chez les peuples qu’on appelait alliés que chez ceux qu’on appelait sujets ; il y avait seulement cette différence que les premiers en gardaient encore les formes extérieures. À vrai dire, la cité, telle que l’antiquité l’avait conçue, ne se voyait plus nulle part, si ce n’était dans les murs de Rome.

Mais Rome, en détruisant partout le régime de la cité, ne mettait rien à la place. Aux peuples à qui elle enlevait leurs institutions, elle ne donnait pas les siennes en échange. Elle ne songeait même pas à créer des institutions nouvelles qui fussent à leur usage. Elle ne fit jamais une constitution pour les peuples de son empire, et ne sut pas établir des règles fixes pour les gouverner. L’autorité même qu’elle exerçait sur eux n’avait rien de régulier. Comme ils ne faisaient pas partie de son État, de sa cité, elle n’avait sur eux aucune action légale. Ses sujets étaient pour elle des étrangers ; aussi avait-elle vis-à-vis d’eux ce pouvoir irrégulier et illimité que l’ancien droit municipal laissait au citoyen à l’égard de l’étranger ou de l’ennemi. C’est sur ce principe que se régla longtemps l’administration romaine, et voici comment elle procédait.

Rome envoyait un de ses citoyens dans un pays ; elle faisait de ce pays la province de cet homme, c’est-à-dire sa charge, son soin propre, son affaire personnelle ;

  1. Στρατηγία, πάλαι μὲν ἐξῆγεν εἰς τά πολεμικὰ, νῦν δἑ τροφῶν ἐπιμελεῖται καὶ σίτου ἀγορᾶς. Philostrate, Vie des sophistes, I, 23.