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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

thètes. Mais le peuple ne devait rien résoudre immédiatement ; il renvoyait la discussion à un autre jour, et en attendant il désignait cinq orateurs qui devaient avoir pour mission spéciale de défendre l’ancienne loi et de faire ressortir les inconvénients de l’innovation proposée. Au jour fixé, le peuple se réunissait de nouveau, et écoutait d’abord les orateurs chargés de la défense des lois anciennes, puis ceux qui appuyaient les nouvelles. Les discours entendus, le peuple ne se prononçait pas encore. Il se contentait de nommer une commission, fort nombreuse, mais composée exclusivement d’hommes qui eussent exercé les fonctions de juge. Cette commission reprenait l’examen de l’affaire, entendait de nouveau les orateurs, discutait et délibérait. Si elle rejetait la loi proposée, son jugement était sans appel. Si elle l’approuvait, elle réunissait encore le peuple, qui, pour cette troisième fois, devait enfin voter, et dont les suffrages faisaient de la proposition une loi[1].

Malgré tant de prudence, il se pouvait encore qu’une proposition injuste ou funeste fût adoptée. Mais la loi nouvelle portait à jamais le nom de son auteur, qui pouvait plus tard être poursuivi en justice et puni. Le peuple, en vrai souverain, était réputé impeccable ; mais chaque orateur restait toujours responsable du conseil qu’il avait donné[2].

Telles étaient les règles auxquelles la démocratie obéissait. Il ne faudrait pas conclure de là qu’elle ne commît jamais de fautes. Quelle que soit la forme de gouvernement, monarchie, aristocratie, démocratie, il y a des jours où c’est la raison qui gouverne, et d’autres où

  1. Eschine, in Ctesiph., 38. Démosth., in Timocr. ; in Leptin. Andocide, I, 83.
  2. Thucydide, III, 43. Démosth., in Timocratem.