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CH. XI. RÈGLES DU GOUVERNEMENT DÉMOCRATIQUE.

voquons les dieux pour qu’ils protégent la cité. Puisse l’avis du plus sage prévaloir ! Soit maudit celui qui nous donnerait de mauvais conseils, qui prétendrait changer les décrets et les lois, ou qui révélerait nos secrets à l’ennemi[1] ! »

Ensuite le héraut, sur l’ordre des présidents, disait de quel sujet l’assemblée devait s’occuper. Ce qui était présenté au peuple devait avoir été déjà discuté et étudié par le Sénat. Le peuple n’avait pas ce qu’on appelle en langage moderne l’initiative. Le Sénat lui apportait un projet de décret ; il pouvait le rejeter ou l’admettre, mais il n’avait pas à délibérer sur autre chose.

Quand le héraut avait donné lecture du projet de décret, la discussion était ouverte. Le héraut disait : « Qui veut prendre la parole ? » Les orateurs montaient à la tribune, par rang d’âge. Tout homme pouvait parler, sans distinction de fortune ni de profession, mais à la condition qu’il eût prouvé qu’il jouissait des droits politiques, qu’il n’était pas débiteur de l’État, que ses mœurs étaient pures, qu’il était marié en légitime mariage, qu’il possédait un fonds de terre dans l’Attique, qu’il avait rempli tous ses devoirs envers ses parents, qu’il avait fait toutes les expéditions militaires pour lesquelles il avait été commandé, et qu’il n’avait jeté son bouclier dans aucun combat[2].

Ces précautions une fois prises contre l’éloquence, le peuple s’abandonnait ensuite à elle tout entier. Les Athéniens, comme dit Thucydide, ne croyaient pas que la parole nuisît à l’action. Ils sentaient au contraire le

  1. Eschine, I, 23 ; III, 4. Dinarque, II, 14. Démosth., in Aristocr., 97. Aristophane, Acharn., 43, 44 et Schol. ; Thesmoph., 295-310.
  2. Eschine, I, 27-33. Dinarque, I, 71.

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