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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

jouir des droits de citoyen, il ne fallait être ni artisan ni marchand[1].

Ainsi les droits politiques qui, dans l’époque précédente, étaient inhérents à la naissance, furent, pendant quelque temps, inhérents à la fortune. Cette aristocratie de richesse se forma dans toutes les cités, non pas par l’effet d’un calcul, mais par la nature même de l’esprit humain, qui, en sortant d’un régime de profonde inégalité, n’arrivait pas tout de suite à l’égalité complète.

Il est à remarquer que cette aristocratie ne fondait pas sa supériorité uniquement sur sa richesse. Partout elle eut à cœur d’être la classe militaire. Elle se chargea de défendre les cités en même temps que de les gouverner. Elle se réserva les meilleures armes et la plus forte part de périls dans les combats, voulant imiter en cela la classe noble qu’elle remplaçait. Dans toutes les cités les plus riches formèrent la cavalerie, la classe aisée composa le corps des hoplites ou des légionnaires. Les pauvres furent exclus de l’armée ; tout au plus les employa-t-on comme vélites et comme peltastes, ou parmi les rameurs de la flotte[2]. L’organisation de l’armée répondait ainsi avec une exactitude parfaite à l’organisation politique de la cité. Les dangers étaient proportionnés aux priviléges, et la force matérielle se trouvait dans les mêmes mains que la richesse[3].

  1. Aristote, Polit., III, 3, 4 ; VI, 4, 5 (édit. Didot).
  2. Lysias, in Alcib., I, 8 ; II, 7. Isée, VII, 39. Xénophon, Hellén., VII, 4. Harpocration, θῆτες.
  3. La relation entre le service militaire et les droits politiques est manifeste : à Rome, l’assemblée centuriate n’était pas autre chose que l’armée ; cela est si vrai que les hommes qui avaient dépassé l’âge du service militaire, n’avaient plus droit de suffrage dans ces comices. Les historiens ne nous disent pas qu’il y eût une loi semblable à Athènes ; mais il y a des chiffres qui sont significatifs ; Thucydide nous apprend (II, 31 ; II, 13) qu’au début de la guerre,