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CH. III. LE FEU SACRÉ.

sont de la même antiquité. Ils étaient associés si étroitement que la croyance des anciens n’en faisait qu’une religion. Foyer, Démons, Héros, dieux Lares, tout cela était confondu[1]. On voit par deux passages de Plaute et de Columèle que dans le langage ordinaire on disait indifféremment foyer ou Lare domestique, et l’on voit encore par Cicéron que l’on ne distinguait pas le foyer des Pénates, ni les Pénates des dieux Lares[2]. Nous lisons dans Servius : « Par foyers les anciens entendaient les dieux Lares ; ainsi Virgile a-t-il pu mettre indifféremment, tantôt foyer pour Pénates, tantôt Pénates pour foyer[3]. » Dans un passage fameux de l’Énéide, Hector dit à Énée qu’il va lui remettre les Pénates troyens, et c’est le feu du foyer qu’il lui remet. Dans un autre passage, Énée invoquant ces mêmes dieux les appelle à la fois Pénates, Lares et Vesta[4].

Nous avons vu d’ailleurs que ceux que les anciens appelaient Lares ou Héros, n’étaient autres que les âmes des morts auxquelles l’homme attribuait une puissance surhumaine et divine. Le souvenir d’un de ces morts sacrés était toujours attaché au foyer. En adorant l’un, on ne pouvait pas oublier l’autre. Ils étaient associés dans le respect des hommes et dans leurs prières. Les descendants, quand ils parlaient du foyer, rappelaient volontiers le nom de l’ancêtre : « Quitte cette place, dit Oreste à sa sœur, et avance vers l’antique foyer de Pélops pour entendre mes paroles[5]. » De même, Énée, parlant du

  1. Tibulle, II, 2. Horace, Odes, IV, 11. Ovide, Trist., III, 13 ; V, 5. Les Grecs donnaient à leurs dieux domestiques ou héros l’épithète de ἐφέστιοι ou ἑστιοῦχοι. Eustath., in Odyss., p. 1756, 20 ; 1814, 10.
  2. Plaut., Aulul., II, 7, 16 : In foco nostro Lari. Columel., XI, 1, 19 : Larem focumque familiarem. Cic., Pro domo, 41 ; Pro Quintio, 27, 28.
  3. Servius, in Æneid., III, 134.
  4. Virgile, IX, 259 ; V, 744.
  5. Euripide, Orest., 1140-1142.