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LIVRE I. ANTIQUES CROYANCES.

il a une pensée, une conscience ; il conçoit des devoirs et veille à ce qu’ils soient accomplis. On le dirait homme ; car il a de l’homme la double nature : physiquement, il resplendit, il se meut, il vit, il procure l’abondance, il prépare le repas, il nourrit le corps ; moralement, il a des sentiments et des affections, il donne à l’homme la pureté, il commande le beau et le bien, il nourrit l’âme. On peut dire qu’il entretient la vie humaine dans la double série de ses manifestations. Il est à la fois la source de la richesse, de la santé, de la vertu. C’est vraiment le Dieu de la nature humaine. — Plus tard, lorsque ce culte a été relégué au second plan par Brahma ou par Zeus, le feu du foyer est resté ce qu’il y avait dans le divin de plus accessible à l’homme ; il a été son intermédiaire auprès des dieux de la nature physique ; il s’est chargé de porter au ciel la prière et l’offrande de l’homme et d’apporter à l’homme les faveurs divines. Plus tard encore, quand on fit de ce mythe du feu sacré la grande Vesta, Vesta fut la déesse vierge ; elle ne représenta dans le monde ni la fécondité ni la puissance. Elle fut l’ordre ; mais non pas l’ordre rigoureux, abstrait, mathématique, la loi impérieuse et fatale, ἀνάγκη, que l’on aperçut de bonne heure entre les phénomènes de la nature physique. Elle fut l’ordre moral. On se la figura comme une sorte d’âme universelle qui réglait les mouvements divers des mondes, comme l’âme humaine mettait la règle parmi nos organes.

Ainsi la pensée des générations primitives se laisse entrevoir. Le principe de ce culte est en dehors de la nature physique et se trouve dans ce petit monde mystérieux qui est l’homme.

Ceci nous ramène au culte des morts. Tous les deux