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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

faire agréer son choix par l’assemblée des curies ; en sorte qu’il n’y avait que la volonté de la cité entière qui pût faire déroger à l’ordre que la religion avait jadis établi. Le droit nouveau débarrasse le testament de cette règle gênante, et lui donne une forme plus facile, celle d’une vente simulée. L’homme feindra de vendre sa fortune à celui qu’il aura choisi pour légataire ; en réalité il aura fait un testament, et il n’aura pas eu besoin de comparaître devant l’assemblée du peuple.

Cette forme de testament avait le grand avantage d’être permise au plébéien. Lui qui n’avait rien de commun avec les curies, il n’avait eu jusqu’alors aucun moyen de tester[1]. Désormais il put user du procédé de la vente fictive et disposer de ses biens. Ce qu’il y a de plus remarquable dans cette période de l’histoire de la législation romaine, c’est que par l’introduction de certaines formes nouvelles le droit put étendre son action et ses bienfaits aux classes inférieures. Les anciennes règles et les anciennes formalités n’avaient pu et ne pouvaient encore convenablement s’appliquer qu’aux familles religieuses ; mais on imaginait de nouvelles règles et de nouveaux procédés qui fussent applicables aux plébéiens.

C’est pour la même raison et en conséquence du même besoin que des innovations se sont introduites dans la partie du droit qui se rapportait au mariage. Il est clair que les familles plébéiennes ne pratiquaient pas le mariage sacré, et l’on peut croire que pour elles l’union conjugale reposait uniquement sur la convention mu-

  1. Il y avait bien le testament in procinctu ; mais nous ne sommes pas bien renseignés sur cette sorte de testament ; peut-être était-il au testament calatis comitiis ce que l’assemblée par centuries était à l’assemblée par curies.