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CH. VII. LA PLÈBE ENTRE DANS LA CITÉ.

social. » L’histoire de Rome, pendant un siècle, fut remplie de pareils malentendus entre ces deux peuples qui ne semblaient pas parler la même langue. Le patriciat persistait à retenir la plèbe en dehors du corps politique ; la plèbe se donnait des institutions propres. La dualité de la population romaine devenait de jour en jour plus manifeste.

Il y avait pourtant quelque chose qui formait un lien entre ces deux peuples, c’était la guerre. Le patriciat n’avait eu garde de se priver de soldats. Il avait laissé aux plébéiens le titre de citoyens, ne fût-ce que pour pouvoir les incorporer dans les légions. On avait d’ailleurs veillé à ce que l’inviolabilité des tribuns ne s’étendît pas hors de Rome, et pour cela on avait décidé qu’un tribun ne sortirait jamais de la ville. À l’armée, la plèbe était donc sujette, et il n’y avait plus double pouvoir ; en présence de l’ennemi, Rome redevenait une.

Puis, grâce à l’habitude prise sous les derniers rois et conservée après eux de réunir l’armée et de la consulter sur les intérêts publics ou sur le choix des magistrats, il y avait des assemblées mixtes où la plèbe figurait à côté des patriciens. Or nous voyons clairement dans l’histoire que ces comices par centuries prirent de plus en plus d’importance et devinrent insensiblement ce qu’on appela les grands comices En effet dans le conflit qui était engagé entre l’assemblée par curies et l’assemblée par tribus, il paraissait naturel que l’assemblée centuriate devînt une sorte de terrain neutre où les intérêts généraux fussent débattus de préférence.

Le plébéien n’était pas toujours un pauvre. Souvent il appartenait à une famille qui était originaire d’une autre ville, qui y avait été riche et considérée, et que le sort