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CH. VII. LA PLÈBE ENTRE DANS LA CITÉ.

dès qu’elle sentit qu’elle possédait dans son sein les éléments d’un gouvernement meilleur. Enfin la richesse devint pour quelque temps, comme nous le verrons tout à l’heure, un principe d’organisation sociale.

Il y a encore un changement dont il faut parler, car il aida fortement la classe inférieure à grandir ; c’est celui qui s’opéra dans l’art militaire. Dans les premiers siècles de l’histoire des cités, la force des armées était dans la cavalerie. Le véritable guerrier était celui qui combattait sur un char ou à cheval ; le fantassin, peu utile au combat, était peu estimé. Aussi l’ancienne aristocratie s’était-elle réservé partout le droit de combattre à cheval[1] ; même dans quelques villes les nobles se donnaient le titre de chevaliers. Les celeres de Romulus, les chevaliers romains des premiers siècles étaient tous des patriciens. Chez les anciens la cavalerie fut toujours l’arme noble. Mais peu à peu l’infanterie prit quelque importance. Le progrès dans la fabrication des armes et la naissance de la discipline lui permirent de résister à la cavalerie. Ce point obtenu, elle prit aussitôt le premier rang dans les batailles, car elle était plus maniable et ses manœuvres plus faciles ; les légionnaires, les hoplites firent dorénavant la force des armées. Or les légionnaires et les hoplites étaient des plébéiens. Ajoutez que la marine prit de l’extension, surtout en Grèce, qu’il y eut des batailles sur mer et que le destin d’une cité fut souvent entre les mains de ses rameurs, c’est-à-dire des plébéiens. Or la classe qui est assez forte pour défendre une société, l’est assez pour y conquérir des droits et y exercer une légitime influence. L’état social

  1. Aristote, Pol., VI, 3, 2.