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CH. IV. L’ARISTOCRATIE GOUVERNE LES CITÉS.

dans l’Attique. Quelques grandes et riches familles se partagent le pays ; de nombreux serviteurs cultivent le sol ou soignent les troupeaux ; la vie est simple ; une même table réunit le chef et les serviteurs. Ces chefs sont appelés d’un nom qui devint dans d’autres sociétés un titre pompeux, ἄνακτες, βασιλεῖς. C’est ainsi que les Athéniens de l’époque primitive appelaient βασιλεὺς le chef du γένος et que les clients de Rome gardèrent l’usage d’appeler rex le chef de la gens. Ces chefs de famille ont un caractère sacré ; le poëte les appelle les rois divins. Ithaque est bien petite ; elle renferme pourtant un grand nombre de ces rois. Parmi eux il y a à la vérité un roi suprême ; mais il n’a guère d’importance et ne paraît pas avoir d’autre prérogative que celle de présider le conseil des chefs. Télémaque, tout fils de roi qu’il est, est fort peu considéré, et il ne sera roi que si on veut bien l’élire. Ulysse rentrant dans sa patrie ne paraît pas avoir d’autres sujets que les serviteurs qui lui appartiennent en propre ; quand il a tué quelques-uns des chefs, les serviteurs de ceux-ci prennent les armes et soutiennent une lutte que le poëte ne songe pas à trouver blâmable. Chez les Phéaciens, Alcinoos a l’autorité suprême ; mais nous le voyons se rendre dans la réunion des chefs, et l’on peut remarquer que ce n’est pas lui qui a convoqué le conseil, mais que c’est le conseil qui a mandé le roi. Le poëte décrit une assemblée de la cité phéacienne ; il s’en faut de beaucoup que ce soit une réunion de la multitude ; les chefs seuls, individuellement convoqués par un héraut, comme à Rome pour les comitia calata, se sont réunis ; ils sont assis sur des siéges de pierre ; le roi prend la parole et il qualifie ses auditeurs du nom de rois porteurs de sceptres.