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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

triarcal avait suspendu presque partout la vie nationale. Les hommes vivaient séparés et avaient peu d’intérêts communs. L’horizon de chacun était le petit groupe et la petite bourgade où il vivait à titre d’eupatride ou à titre de serviteur.

À Rome aussi chacune des familles patriciennes vivait sur son domaine, entourée de ses clients. On venait à la ville pour les fêtes du culte public ou pour les assemblées. Pendant les années qui suivirent l’expulsion des rois, le pouvoir de l’aristocratie fut absolu. Nul autre que le patricien ne pouvait remplir les fonctions sacerdotales dans la cité ; c’était dans la caste sacrée qu’il fallait choisir exclusivement les vestales, les pontifes, les saliens, les flamines, les augures. Les seuls patriciens pouvaient être consuls ; seuls ils composaient le Sénat. Si l’on ne supprima pas l’assemblée par centuries, où les plébéiens avaient accès, on regarda du moins l’assemblée par curies comme la seule qui fût légitime et sainte. Les centuries avaient en apparence l’élection des consuls ; mais nous avons vu qu’elles ne pouvaient voter que sur les noms que les patriciens leur présentaient[1], et d’ailleurs leurs décisions étaient soumises à la triple ratification du Sénat, des curies, et des augures. Les seuls patriciens rendaient la justice et connaissaient les formules de la loi.

Ce régime politique n’a duré à Rome qu’un petit nombre d’années. En Grèce, au contraire, il y eut un long âge où l’aristocratie fut maîtresse. L’Odyssée nous présente un tableau fidèle de cet état social dans la partie occidentale de la Grèce. Nous y voyons en effet un régime patriarcal fort analogue à celui que nous avons remarqué

  1. Denys, VI, 49. Cic., De republ., II, 32.