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CH. I. PATRICIENS ET CLIENTS.

et que, dans cette sorte d’alliance, chacun de ces corps resta ce qu’il était auparavant. Les chefs de ces petits groupes s’unissaient entre eux, mais chacun d’eux restait maître absolu dans la petite société dont il était déjà le chef. C’est pour cela que le droit romain laissa si longtemps au pater l’autorité absolue sur la famille, la toute-puissance et le droit de justice à l’égard des clients. La distinction des classes, née dans la famille, se continua donc dans la cité.

La cité, dans son premier âge, ne fut que la réunion des chefs de famille. On a de nombreux témoignages d’un temps où il n’y avait qu’eux qui pussent être citoyens. Cette règle s’est conservée à Sparte, où les cadets n’avaient pas de droits politiques. On en peut voir encore un vestige dans une ancienne loi d’Athènes qui disait que pour être citoyen il fallait posséder un dieu domestique[1]. Aristote remarque « qu’anciennement, dans beaucoup de villes, il était de règle que le fils ne fût pas citoyen du vivant du père, et que, le père mort, le fils aîné seul jouît des droits politiques[2]. » La loi ne comptait donc dans la cité ni les branches cadettes ni, à plus forte raison, les clients. Aussi Aristote ajoute-t-il que les vrais citoyens étaient alors en fort petit nombre.

L’assemblée qui délibérait sur les intérêts généraux de la cité n’était aussi composée, dans ces temps anciens, que des chefs de famille, des patres. Il est permis de ne pas croire Cicéron quand il dit que Romulus appela pères les sénateurs pour marquer l’affection paternelle qu’ils avaient pour le peuple. Les membres du Sénat portaient

  1. Harpocration, Ζεὺς ἑρκεῖος.
  2. Aristote, Pol., VIII, 5, 2-3.