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CH. XVI. LE ROMAIN ; L’ATHÉNIEN.

bien tard, c’est seulement au temps des Scipions que l’on a commencé de croire que la religion était utile au gouvernement ; mais déjà la religion était morte dans les âmes.

Prenons un Romain des premiers siècles ; choisissons un des plus grands guerriers, Camille qui fut cinq fois dictateur et qui vainquit dans plus de dix batailles. Pour être dans le vrai, il faut se le représenter autant comme un prêtre que comme un guerrier. Il appartient à la gens Furia ; son surnom est un mot qui désigne une fonction sacerdotale. Enfant, on lui a fait porter la robe prétexte qui indique sa caste, et la bulle qui détourne les mauvais sorts. Il a grandi en assistant chaque jour aux cérémonies du culte ; il a passé sa jeunesse à s’instruire des rites de la religion. Il est vrai qu’une guerre a éclaté et que le prêtre s’est fait soldat ; on l’a vu, blessé à la cuisse dans un combat de cavalerie, arracher le fer de la blessure et continuer à combattre. Après plusieurs campagnes, il a été élevé aux magistratures ; comme tribun consulaire, il a fait les sacrifices publics, il a jugé, il a commandé l’armée. Un jour vient où l’on songe à lui pour la dictature. Ce jour-là, le magistrat en charge, après s’être recueilli pendant une nuit claire, a consulté les dieux ; sa pensée était attachée à Camille dont il prononçait tout bas le nom ; et ses yeux étaient fixés au ciel où ils cherchaient les présages. Les dieux n’en ont envoyé que de bons ; c’est que Camille leur est agréable ; il est nommé dictateur.

Le voilà chef d’armée ; il sort de la ville, non sans avoir consulté les auspices et immolé force victimes. Il a sous ses ordres beaucoup d’officiers, presque autant de prêtres, un pontife, des augures, des aruspices, des pullaires, des victimaires, un porte-foyer.

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