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LIVRE III. LA CITÉ.

Il sort de chez lui et ne peut presque faire un pas sans rencontrer un objet sacré ; ou c’est une chapelle, ou c’est un lieu jadis frappé de la foudre, ou c’est un tombeau ; tantôt il faut qu’il se recueille et prononce une prière, tantôt il doit détourner les yeux et se couvrir le visage pour éviter la vue d’un objet funeste.

Chaque jour il sacrifie dans sa maison, chaque mois dans sa curie, plusieurs fois par an dans sa gens ou dans sa tribu. Par-dessus tous ces dieux, il doit encore un culte à ceux de la cité. Il y a dans Rome plus de dieux que de citoyens.

Il fait des sacrifices pour remercier les dieux ; il en fait d’autres, et en plus grand nombre, pour apaiser leur colère. Un jour il figure dans une procession en dansant suivant un rhythme ancien au son de la flûte sacrée. Un autre jour il conduit des chars dans lesquels sont couchées les statues des divinités. Une autre fois c’est un lectisternium ; une table est dressée dans une rue et chargée de mets ; sur des lits sont couchées les statues des dieux, et chaque Romain passe en s’inclinant, une couronne sur la tête et une branche de laurier à la main[1].

Il a une fête pour les semailles, une pour la moisson, une pour la taille de la vigne. Avant que le blé soit venu en épi, il a fait plus de dix sacrifices et invoqué une dizaine de divinités particulières pour le succès de sa récolte. Il a surtout un grand nombre de fêtes pour les morts, parce qu’il a peur d’eux.

Il ne sort jamais de chez lui sans regarder s’il ne paraît pas quelque oiseau de mauvais augure. Il y a des

  1. Tite-Live, XXXIV, 55 ; XL, 37.