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CH. XVI. LE ROMAIN ; L’ATHÉNIEN.

CHAPITRE XVI.

LE ROMAIN ; L’ATHÉNIEN.

Cette même religion, qui avait fondé les sociétés et qui les gouverna longtemps, façonna aussi l’âme humaine et fit à l’homme son caractère. Par ses dogmes et par ses pratiques elle donna au Romain et au Grec une certaine manière de penser et d’agir et de certaines habitudes dont ils ne purent de longtemps se défaire. Elle montrait à l’homme des dieux partout, dieux petits, dieux facilement irritables et malveillants. Elle écrasait l’homme sous la crainte d’avoir toujours des dieux contre soi et ne lui laissait aucune liberté dans ses actes.

Il faut voir quelle place la religion occupe dans la vie d’un Romain. Sa maison est pour lui ce qu’est pour nous un temple ; il y trouve son culte et ses dieux. C’est un dieu que son foyer ; les murs, les portes, le seuil sont des dieux[1] ; les bornes qui entourent son champ sont encore des dieux. Le tombeau est un autel, et ses ancêtres sont des êtres divins.

Chacune de ses actions de chaque jour est un rite ; toute sa journée appartient à sa religion. Le matin et le soir il invoque son foyer, ses pénates, ses ancêtres ; en sortant de sa maison, en y rentrant, il leur adresse une prière. Chaque repas est un acte religieux qu’il partage avec ses divinités domestiques. La naissance, l’initiation, la prise de la toge, le mariage, et les anniversaires de tous ces événements sont les actes solennels de son culte.

  1. Saint Augustin, Cité de Dieu, VI, 7. Tertullien, ad nat., II, 15.