Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.
259
CH. XIV. DE L’ESPRIT MUNICIPAL.

ment réunir Athènes et Thèbes dans un même culte et dans un même gouvernement ?

Quand ces superstitions s’affaiblirent (et elles ne s’affaiblirent que très-tard dans l’esprit du vulgaire), il n’était plus temps d’établir une nouvelle forme d’État. La division était consacrée par l’habitude, par l’intérêt, par la haine invétérée, par le souvenir des vieilles luttes. Il n’y avait plus à revenir sur le passé.

Chaque ville tenait fort à son autonomie ; elle appelait ainsi un ensemble qui comprenait son culte, son droit, son gouvernement, toute son indépendance religieuse et politique.

Il était plus facile à une cité d’en assujettir une autre que de se l’adjoindre. La victoire pouvait faire de tous les habitants d’une ville prise autant d’esclaves ; elle ne pouvait pas en faire des concitoyens du vainqueur. Confondre deux cités en un seul État, unir la population vaincue à la population victorieuse et les associer sous un même gouvernement, c’est ce qui ne se voit jamais chez les anciens, à une seule exception près dont nous parlerons plus tard. Si Sparte conquiert la Messénie, ce n’est pas pour faire des Spartiates et des Messéniens un seul peuple ; elle expulse toute la race des vaincus et prend leurs terres. Athènes en use de même à l’égard de Salamine, d’Égine, de Mélos.

Faire entrer les vaincus dans la cité des vainqueurs était une pensée qui ne pouvait venir à l’esprit de personne. La cité possédait des dieux, des hymnes, des fêtes, des lois, qui étaient son patrimoine précieux ; elle se gardait bien d’en donner part à des vaincus. Elle n’en avait même pas le droit ; Athènes pouvait-elle admettre que l’habitant d’Égine entrât dans le temple