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LIVRE III. LA CITÉ.

nium, d’où les pénates romains étaient issus, et il offrait encore un sacrifice.

Quand on examine avec un peu d’attention le caractère du magistrat chez les anciens, on voit combien il ressemble peu aux chefs d’État des sociétés modernes. Sacerdoce, justice et commandement se confondent en sa personne. Il représente la cité qui est une association religieuse au moins autant que politique. Il a dans ses mains les auspices, les rites, la prière, la protection des dieux. Un consul est quelque chose de plus qu’un homme ; il est l’intermédiaire entre l’homme et la divinité. À sa fortune est attachée la fortune publique ; il est comme le génie tutélaire de la cité. La mort d’un consul funeste la république[1]. Quand le consul Claudius Néron quitte son armée pour voler au secours de son collègue, Tite-Live nous montre combien Rome est en alarmes sur le sort de cette armée ; c’est que, privée de son chef, l’armée est en même temps privée de la protection céleste ; avec le consul sont partis les auspices, c’est-à-dire la religion et les dieux.

Les autres magistratures romaines qui furent, en quelque sorte, des membres successivement détachés du consulat, réunirent comme lui des attributions sacerdotales et des attributions politiques. On voyait, à certains jours, le censeur, une couronne sur la tête, offrir un sacrifice au nom de la cité et frapper de sa main la victime. Les préteurs, les édiles curules présidaient à des fêtes religieuses[2]. Il n’y avait pas de magistrat qui n’eût à accomplir quelque acte sacré ; car dans la pensée des anciens toute autorité devait être religieuse

  1. Tite-Live, XXVII, 40.
  2. Varron, L. L., VI, 54. Athénée, XIV, 79.