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LIVRE III. LA CITÉ.

Cette royauté demi-religieuse et demi-politique s’établit dans toutes les villes, dès leur naissance, sans efforts de la part des rois, sans résistance de la part des sujets. Nous ne voyons pas à l’origine des peuples anciens les fluctuations et les luttes qui marquent le pénible enfantement des sociétés modernes. On sait combien de temps il a fallu, après la chute de l’empire romain, pour retrouver les règles d’une société régulière. L’Europe a vu durant des siècles plusieurs principes opposés se disputer le gouvernement des peuples, et les peuples se refuser quelquefois à toute organisation sociale. Un tel spectacle ne se voit ni dans l’ancienne Grèce ni dans l’ancienne Italie ; leur histoire ne commence pas par des conflits ; les révolutions n’ont paru qu’à la fin. Chez ces populations, la société s’est formée lentement, longuement, par degrés, en passant de la famille à la tribu et de la tribu à la cité, mais sans secousses et sans luttes. La royauté s’est établie tout naturellement, dans la famille d’abord, dans la cité plus tard. Elle ne fut pas imaginée par l’ambition de quelques-uns ; elle naquit d’une nécessité qui était manifeste aux yeux de tous. Pendant de longs siècles elle fut paisible, honorée, obéie. Les rois n’avaient pas besoin de la force matérielle ; ils n’avaient ni armée ni trésor ; mais, soutenue par des croyances qui étaient puissantes sur l’âme, leur autorité était sainte et inviolable.

Une révolution, dont nous parlerons plus loin, renversa la royauté dans toutes les villes. Mais en tombant elle ne laissa aucune haine dans le cœur des hommes. Ce mépris mêlé de rancune qui s’attache d’ordinaire aux grandeurs abattues, ne la frappa jamais. Toute déchue qu’elle était, le respect et l’affection des hommes res-