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CH. VII. LA RELIGION DE LA CITÉ.

Pour un acte de cette nature et d’une telle importance, deux choses étaient nécessaires : l’une était qu’aucun étranger ne se glissât parmi les citoyens, ce qui eût troublé et funesté la cérémonie ; l’autre était que tous les citoyens y soient présents, sans quoi la cité aurait pu garder quelque souillure. Il fallait donc que cette cérémonie religieuse fût précédée d’un dénombrement des citoyens. À Rome et à Athènes on les comptait avec un soin très-scrupuleux ; il est probable que leur nombre était prononcé par le magistrat dans la formule de prière, comme il était ensuite inscrit dans le compte rendu que le censeur rédigeait de la cérémonie.

La perte du droit de cité était la punition de l’homme qui ne s’était pas fait inscrire. Cette sévérité s’explique. L’homme qui n’avait pas pris part à l’acte religieux, qui n’avait pas été purifié, pour qui la prière n’avait pas été dite ni la victime immolée, ne pouvait plus être un membre de la cité. Vis-à-vis des dieux, qui avaient été présents à la cérémonie, il n’était plus citoyen[1].

On peut juger de l’importance de cette cérémonie par le pouvoir exorbitant du magistrat qui y présidait. Le censeur, avant de commencer le sacrifice, rangeait le peuple suivant un certain ordre, ici les sénateurs, là les chevaliers, ailleurs les tribus. Maître absolu ce jour-là, il fixait la place de chaque homme dans les différentes catégories. Puis, tout le monde étant rangé suivant ses prescriptions, il accomplissait l’acte sacré. Or il résultait de là qu’à partir de ce jour jusqu’à la lustration suivante, chaque homme conservait dans la cité le rang que le censeur lui avait assigné dans la cérémonie.

  1. Les citoyens absents de Rome devaient y revenir pour la lustration ; aucun motif ne pouvait les en dispenser. Velléius, II, 15.