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LIVRE III. LA CITÉ.

source de terreurs pour les anciens ; comme la foi et la pureté des intentions étaient peu de chose, et que toute la religion consistait dans la pratique minutieuse d’innombrables prescriptions, on devait toujours craindre d’avoir commis quelque négligence, quelqu’omission ou quelqu’erreur, et l’on n’était jamais sûr de n’être pas sous le coup de la colère ou de la rancune de quelque dieu. Il fallait donc, pour rassurer le cœur de l’homme, un sacrifice expiatoire. Le magistrat qui était chargé de l’accomplir (c’était à Rome le censeur, avant le censeur c’était le consul, avant le consul le roi), commençait par s’assurer à l’aide des auspices que les dieux agréeraient la cérémonie. Puis il convoquait le peuple par l’intermédiaire d’un héraut qui se servait à cet effet d’une formule sacramentelle. Tous les citoyens, au jour dit, se réunissaient hors des murs ; là, tous étant en silence, le magistrat faisait trois fois le tour de l’assemblée, poussant devant lui trois victimes, un mouton, un porc, un taureau (suovetaurile) ; la réunion de ces trois animaux constituait chez les Grecs comme chez les Romains un sacrifice expiatoire. Des prêtres et des victimaires suivaient la procession ; quand le troisième tour était achevé, le magistrat prononçait une formule de prière, et il immolait les victimes[1]. À partir de ce moment, toute souillure était effacée, toute négligence dans le culte réparée, et la cité était en paix avec ses dieux.

  1. Varron, L. L., VI, 86. Valère-Maxime, V, 1, 10. Tite-Live, I, 44 ; III, 22 ; VI, 27. Properce, IV, 1, 20. Servius, ad Eclog., X, 55 ; ad Æn., VIII, 231. Tite-Live attribue cette institution au roi Servius ; on peut croire qu’elle est plus vieille que Rome, et, qu’elle existait dans toutes les villes aussi bien qu’à Rome. Ce qui l’a fait attribuer à Servius, c’est précisément qu’il l’a modifiée, comme nous le verrons plus tard.