Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/199

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
187
CH. VI. LES DIEUX DE LA CITÉ.

Les noms de beaucoup de ces divinités sont oubliés ; c’est par hasard qu’on a conservé le souvenir du dieu Satrapès qui appartenait à la ville d’Élis, de la déesse Dindymène à Thèbes, de Soteira à Ægium, de Britomartis en Crète, de Hyblæa à Hybla. Les noms de Zeus, Athéné, Héra, Jupiter, Minerve, Neptune nous sont plus connus et nous savons qu’ils étaient souvent appliqués à ces divinités poliades. Mais de ce que deux villes donnaient à leur dieu le même nom, gardons-nous de conclure qu’elles adoraient le même dieu. Il y avait une Athéné à Athènes et il y en avait une à Sparte ; c’étaient deux déesses. Un grand nombre de cités avaient un Jupiter pour divinité poliade ; c’étaient autant de Jupiters qu’il y avait de villes. Dans la légende de la guerre de Troie on voit une Pallas qui combat pour les Grecs, et il y a chez les Troyens une autre Pallas qui reçoit un culte et qui protége ses adorateurs[1]. Dira-t-on que c’était la même divinité qui figurait dans les deux armées ? Non certes ; car les anciens n’attribuaient pas à leurs dieux le don d’ubiquité. Les villes d’Argos et de Samos avaient chacune une Héra poliade ; ce n’était pas la même déesse, car elle était représentée dans les deux villes avec des attributs bien différents. Il y avait à Rome une Junon ; à cinq lieues de là, la ville de Veii en avait une autre ; c’était si peu la même divinité que nous voyons le dictateur Camille, assiégeant Veii, s’adresser à la Junon de l’ennemi pour la conjurer d’abandonner la ville étrusque et de passer dans son camp. Maître de la ville, il prend la statue, bien persuadé qu’il prend en même

    674. Pausanias, I, 24 ; IV, 8 ; VIII, 47. Aristoph., Oiseaux, 828 ; Chev., 577. Virgile, IX, 246. Pollux, IX, 40. Apollodore, III, 14.

  1. Homère, Iliade, VI, 88.