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CH. IV. LA VILLE.

la scène un prêtre qui allumait un foyer en invoquant les dieux, un poëte qui chantait des hymnes, et un devin qui récitait des oracles.

Pausanias parcourait la Grèce vers le temps d’Adrien. Arrivé en Messénie, il se fit raconter par les prêtres la fondation de la ville de Messène et il nous a transmis leur récit[1]. L’événement n’était pas très-ancien ; il avait eu lieu au temps d’Épaminondas. Trois siècles auparavant, les Messéniens avaient été chassés de leur pays, et depuis ce temps-là ils avaient vécu dispersés parmi les autres Grecs, sans patrie, mais gardant avec un soin pieux leurs coutumes et leur religion nationale. Les Thébains voulaient les ramener dans le Péloponèse pour attacher un ennemi aux flancs de Sparte ; mais le plus difficile était de décider les Messéniens. Épaminondas qui avait affaire à des hommes superstitieux, crut devoir mettre en circulation un oracle prédisant à ce peuple le retour dans son ancienne patrie. Des apparitions miraculeuses attestèrent que les dieux nationaux des Messéniens, qui les avaient trahis à l’époque de la conquête, leur étaient redevenus favorables. Ce peuple timide se décida alors à rentrer dans le Péloponèse à la suite d’une armée thébaine. Mais il s’agissait de savoir où la ville serait bâtie ; car d’aller réoccuper les anciennes villes du pays, il n’y fallait pas songer ; elles avaient été souillées et funestées par la conquête. Pour choisir la place où l’on s’établirait, on n’avait pas la ressource ordinaire de consulter l’oracle de Delphes ; car la Pythie était alors du parti de Sparte. Par bonheur, les dieux avaient d’autres moyens de révéler leur volonté ; un prêtre messénien eut un songe où l’un des dieux de

  1. Pausanias, IV, 27.