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LIVRE III. LA CITÉ.

d’Halicarnasse qui les puisait chez des auteurs plus anciens que lui ; on en trouve dans Plutarque, dans les Fastes d’Ovide, dans Tacite, dans Caton l’Ancien qui avait compulsé les vieilles annales, et dans deux autres écrivains qui doivent surtout nous inspirer une grande confiance, le savant Varron et le savant Verrius Flaccus que Festus nous a en partie conservé, tous les deux fort instruits des antiquités romaines, amis de la vérité, nullement crédules, et connaissant assez bien les règles de la critique historique. Tous ces écrivains nous ont transmis le souvenir de la cérémonie religieuse qui avait marqué la fondation de Rome, et nous ne sommes pas en droit de rejeter un tel nombre de témoignages.

Il n’est pas rare de rencontrer chez les anciens des faits qui nous étonnent ; est-ce un motif pour dire que ce sont des fables, surtout si ces faits qui s’éloignent beaucoup des idées modernes, s’accordent parfaitement avec celles des anciens ? Nous avons vu dans leur vie privée une religion qui réglait tous leurs actes ; nous avons vu ensuite que cette religion les avait constitués en société ; qu’y a-t-il d’étonnant après cela que la fondation d’une ville ait été aussi un acte sacré et que Romulus lui-même ait dû accomplir des rites qui étaient observés partout ?

Le premier soin du fondateur est de choisir l’emplacement de la ville nouvelle. Mais ce choix, chose grave et dont on croit que la destinée du peuple dépend, est toujours laissé à la décision des dieux. Si Romulus eût été Grec, il aurait consulté l’oracle de Delphes ; Samnite, il eût suivi l’animal sacré, le loup ou le pivert. Latin, tout voisin des Étrusques, initié à la science augurale[1], il de-

  1. Cic., De divin., I, 17. Plutarq., Camille, 32. Pline, XIV, 2 ; XVIII, 12.