Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
CH. IV. LA VILLE.

Nous allons prendre pour premier exemple Rome elle-même, en dépit de la vogue d’incrédulité qui s’attache à cette ancienne histoire. On a bien souvent répété que Romulus était un chef d’aventuriers, qu’il s’était fait un peuple en appelant à lui des vagabonds et des voleurs, et que tous ces hommes ramassés sans choix avaient bâti au hasard quelques cabanes pour y enfermer leur butin. Mais les écrivains anciens nous présentent les faits d’une tout autre façon ; et il nous semble que, si l’on veut connaître l’antiquité, la première règle doit être de s’appuyer sur les témoignages qui nous viennent d’elle. Ces écrivains parlent à la vérité d’un asile, c’est-à-dire d’un enclos sacré où Romulus admit tous ceux qui se présentèrent ; en quoi il suivait l’exemple que beaucoup de fondateurs de villes lui avaient donné. Mais cet asile n’était pas la ville ; il ne fut même ouvert qu’après que la ville avait été fondée et complétement bâtie. C’était un appendice ajouté à Rome ; ce n’était pas Rome. Il ne faisait même pas partie de la ville de Romulus ; car il était situé au pied du mont Capitolin, tandis que la ville occupait le plateau du Palatin. Il importe de bien distinguer le double élément de la population romaine. Dans l’asile sont les aventuriers sans feu ni lieu ; sur le Palatin sont les hommes venus d’Albe, c’est-à-dire les hommes déjà organisés en société, distribués en gentes et en curies, ayant des cultes domestiques et des lois. L’asile n’est qu’une sorte de hameau ou de faubourg où les cabanes se bâtissent au hasard et sans règles ; sur le Palatin s’élève une ville religieuse et sainte.

Sur la manière dont cette ville fut fondée, l’antiquité abonde en renseignements ; on en trouve dans Denys