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CH. II. NOUVELLES CROYANCES RELIGIEUSES.

de prêtres. Elle naquit dans les différentes intelligences par un effet de leur force naturelle. Chacune se la fit à sa façon. Entre tous ces dieux, issus d’esprits divers, il y eut des ressemblances, parce que les idées se formaient en l’homme suivant un mode à peu près uniforme ; mais il y eut aussi une très-grande variété, parce que chaque esprit était l’auteur de ses dieux. Il résulta de là que cette religion fut longtemps confuse et que ses dieux furent innombrables.

Pourtant les éléments que l’on pouvait diviniser n’étaient pas très-nombreux. Le soleil qui féconde, la terre qui nourrit, le nuage tour à tour bienfaisant ou funeste, telles étaient les principales puissances dont on pût faire des dieux. Mais de chacun de ces éléments des milliers de dieux naquirent. C’est que le même agent physique, aperçu sous des aspects divers, reçut des hommes différents noms. Le soleil, par exemple, fut appelé ici Héraclès (le glorieux), là Phœbos (l’éclatant), ailleurs Apollon (celui qui chasse la nuit ou le mal) ; l’un le nomma l’Être élevé (Hypérion), l’autre le bienfaisant (Alexicacos) ; et, à la longue, les groupes d’hommes qui avaient donné ces noms divers à l’astre brillant, ne reconnurent pas qu’ils avaient le même dieu.

En fait, chaque homme n’adorait qu’un nombre très-restreint de divinités ; mais les dieux de l’un n’étaient pas ceux de l’autre. Les noms pouvaient, à la vérité, se ressembler ; beaucoup d’hommes avaient pu donner séparément à leur dieu le nom d’Apollon ou celui d’Hercule ; ces mots appartenaient à la langue usuelle et n’étaient que des adjectifs qui désignaient l’Être divin par l’un ou l’autre de ses attributs les plus saillants. Mais sous ce même nom les différents groupes d’hommes ne pouvaient