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CH. IX. LA MORALE DE LA FAMILLE.

n’était pas une puissance arbitraire, comme le serait celle qui dériverait du droit du plus fort. Elle avait son principe dans les croyances qui étaient au fond des âmes, et elle trouvait ses limites dans ces croyances mêmes. Par exemple, le père avait le droit d’exclure le fils de sa famille ; mais il savait bien que, s’il le faisait, la famille courait risque de s’éteindre et les mânes de ses ancêtres de tomber dans l’éternel oubli. Il avait le droit d’adopter l’étranger ; mais la religion lui défendait de le faire s’il avait un fils. Il était propriétaire unique des biens ; mais il n’avait pas, du moins à l’origine, le droit de les aliéner. Il pouvait répudier sa femme ; mais pour le faire il fallait qu’il osât briser le lien religieux que le mariage avait établi. Ainsi la religion imposait au père autant d’obligations qu’elle lui conférait de droits.

Telle a été longtemps la famille antique. Les croyances qu’il y avait dans les esprits ont suffi, sans qu’on eût besoin du droit de la force ou de l’autorité d’un pouvoir social, pour la constituer régulièrement, pour lui donner une discipline, un gouvernement, une justice, et pour fixer dans tous ses détails le droit privé.


CHAPITRE IX.

LA MORALE DE LA FAMILLE.

L’histoire n’étudie pas seulement les faits matériels et les institutions ; son véritable objet d’étude est l’âme humaine ; elle doit aspirer à connaître ce que cette âme a cru, a pensé, a senti aux différents âges de la vie du genre humain.

Nous avons montré, au début de ce livre, d’antiques croyances que l’homme s’était faites sur sa destinée après

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