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LIVRE II. LA FAMILLE.

l’entend ou plutôt comme il a vu faire à son père. Personne dans la famille ne conteste sa suprématie sacerdotale. La cité elle-même et ses pontifes ne peuvent rien changer à son culte. Comme prêtre du foyer, il ne reconnaît aucun supérieur.

À titre de chef religieux, c’est lui qui est responsable de la perpétuité du culte et par conséquent de celle de la famille. Tout ce qui touche à cette perpétuité, qui est son premier soin et son premier devoir, dépend de lui seul. De là dérive toute une série de droits :

Droit de reconnaître l’enfant à sa naissance ou de le repousser. Ce droit est attribué au père par les lois grecques[1] aussi bien que par les lois romaines. Tout barbare qu’il est, il n’est pas en contradiction avec les principes sur lesquels la famille est fondée. La filiation, même incontestée, ne suffit pas pour entrer dans le cercle sacré de la famille ; il faut le consentement du chef et l’initiation au culte. Tant que l’enfant n’est pas associé à la religion domestique, il n’est rien pour le père.

Droit de répudier la femme, soit en cas de stérilité, parce qu’il ne faut pas que la famille s’éteigne, soit en cas d’adultère, parce que la famille et la descendance doivent être pures de toute altération.

Droit de marier sa fille, c’est-à-dire de céder à un autre la puissance qu’il a sur elle. Droit de marier son fils ; le mariage du fils intéresse la perpétuité de la famille.

Droit d’émanciper, c’est-à-dire d’exclure un fils de la famille et du culte. Droit d’adopter, c’est-à-dire d’introduire un étranger près du foyer domestique.

  1. Hérodote, I, 59. Plutarque, Alcib., 23 ; Agésilas, 3.