Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
CH. VII. LE DROIT DE SUCCESSION.

mort, mais en vertu de règles supérieures que la religion avait établies.

L’ancien droit hindou ne connaissait pas le testament. Le droit athénien, jusqu’à Solon, l’interdisait d’une manière absolue, et Solon lui-même ne l’a permis qu’à ceux qui ne laissaient pas d’enfants[1]. Le testament a été longtemps interdit ou ignoré à Sparte, et n’a été autorisé que postérieurement à la guerre du Péloponèse[2]. On a conservé le souvenir d’un temps où il en était de même à Corinthe et à Thèbes[3]. Il est certain que la faculté de léguer arbitrairement ses biens ne fut pas reconnue d’abord comme un droit naturel ; le principe constant des époques anciennes fut que toute propriété devait rester dans la famille à laquelle la religion l’avait attachée.

Platon dans son traité des Lois, qui n’est en grande partie qu’un commentaire sur les lois athéniennes, explique très-clairement la pensée des anciens législateurs. Il suppose qu’un homme, à son lit de mort, réclame la faculté de faire un testament et qu’il s’écrie : « O dieux, n’est-il pas bien dur que je ne puisse disposer de mon bien comme je l’entends et en faveur de qui il me plaît, laissant plus à celui-ci, moins à celui-là, suivant l’attachement qu’ils m’ont fait voir ? » Mais le législateur répond à cet homme : « Toi qui ne peux te promettre plus d’un jour, toi qui ne fais que passer ici-bas, est-ce bien à toi de décider de telles affaires ? Tu n’es le maître ni de tes biens ni de toi-même ; toi et tes biens, tout cela appartient à ta famille, c’est-à-dire à tes ancêtres et à ta postérité[4]. »

  1. Plutarque, Solon, 21.
  2. Id., Agis, 5.
  3. Aristote, Polit., II, 3, 4.
  4. Platon, Lois, XI.