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le passage cité a été emprunté à Yves de Chartres, qui vivait au commencement du xiie siècle. Ce passage sur le serment féodal n’a donc pas été écrit au temps des empereurs romains ; il a été écrit en pleine féodalité[1].

Ajoutons que le mot beneficium, terme très employé dans la langue de l’Empire, ne s’applique jamais à une terre. On lit souvent qu’un homme a obtenu une terre « par le bienfait du prince », on ne lit jamais que la terre soit « un bénéfice concédé par le prince[2] ». Dans toute concession par bienfait, il s’agit d’une donation en pleine et perpétuelle propriété, non pas d’une concession temporaire, conditionnelle, révocable, comme seront plus tard les bénéfices. Le mot beneficiarius est fréquent aussi dans la langue de l’Empire ; mais il se dit d’officiers nommés au choix du général[3] ou de sol-

    vain, 1655, et dans l’édition des Bénédictins, 1685. Dans la première, il est au t. X. p. 687, parmi les sermons apocryphes ou douteux. De même dans l’édition des Bénédictins, au t. IV, p. 278 ; et les savants éditeurs le font précéder de cette note, qui aurait dû frapper l’abbé Dubos : ex Ruffino, Cæsario, Gregorio, Yvone Carnotensi collectus. Ce sermon n’est en effet qu’une sorte de centon.

  1. Cette phrase citée comme étant de saint Augustin, on la trouve dans les œuvres d’Yves de Chartres, édit. de l’abbé Migne, Patrologie. t. CLXII, col. 604. Il n’est pas possible de soutenir que la phrase ait été empruntée par Yves à saint Augustin ; la lecture et la comparaison des deux sermons ne permettent pas cette supposition. C’est un anonyme qui l’a empruntée à Yves et l’a insérée maladroitement dans un sermon qu’il a mis sous le nom de saint Augustin. Yves de Chartres est mort en 1116.
  2. Bencficium se dit de toute sorte de bienfait ou faveur, qu’elle soit accordée par l’État (ex : Cicéron, Pro Archia, V ; Ad familiares, V. 20, 7 ; Philippiques, II, 36, 91) ou qu’elle le soit par le prince. Le Liber beneficiorum dont il est parlé plusieurs fois chez les Agrimensores, édit. Lachmann, p. 203, p. 295, p. 400, était un registre où l’on tenait note de tous les dons du prince, soit en terres, soit en autres objets. [Cf. Lampride, Vie d’Alexandre, 46. Il est fait mention du primicerius beneficiorum dans la Notitia Dignitatum, d’un a commentariis beneficiorum dans une inscription, Gruter, 578, 1.]
  3. Sur l’expression ordinem consequi beneficio (ducis) non virtute, voir Hirtius, De bello Africano, 54 ; Tacite, Histoires, I, 25 ; Suétone, Tibère,