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Mais ces terres ne sont pas des fiefs. Un peu d’attention suffit pour apercevoir une différence fondamentale entre elles et les fiefs. Ces terres étaient communes à chaque corps de troupe. Elles appartenaient indivisément à telle légion[1], à telle cohorte, à telle troupe de gentiles, aux hommes de tel castellum. Mais elles n’appartenaient pas individuellement et privément à chaque soldat ou à chaque officier. Qu’un soldat passât d’un de ces corps dans un autre, il ne conservait aucune part de l’ager limitaneus. Ce caractère collectif de la possession est précisément l’opposé de ce que nous trouverons dans le fief. Jamais un fief n’appartiendra collectivement à un corps de soldats. Il sera au contraire de l’essence du fief d’être individuel, ainsi que les services et les obligations qui y seront attachés. Il en sera de même du bénéfice mérovingien. Les agri limitanei des empereurs n’ont donc rien de commun avec le bénéfice et le fief.

Reste le passage de saint Augustin, où l’abbé Dubos trouvait la mention de seigneurs, de bénéfices, et de serment de fidélité au seigneur. Le sermon dans lequel se lit cette phrase n’est pas de saint Augustin. C’est un sermon apocryphe[2] : il a été composé au moyen âge, et

    scriptione cessante, ab universis detentoribus vindicatos iisdem militibus sine ullo collectionis onere, sicut antiquitus statutum est, volumus assignari. Si quis forte, quod minime audere debuerat, emptionis titulo memorati juris possidet prædia, competens ei actio adversus venditorem intacta servabitur. – Code Justinien, XI, 60 (59), 2 : Quicumque castellorum loca quocumque titulo possident, cedant ac deserant, quia ab his tantum fas est possideri quibus adscripta sunt et de quibus judicavit antiquitas. Quod si quispiam in his locis non castellanus miles fuerit detentator inventus, capitali sententia… plectatur.

  1. Corpus inscriptionum latinarum, t. II, nos 2916–2920 : Terminus Augustalis dividit prata legionis quartæ et agrum Juliobrigensem.– Henzen, no  6825 : Pequarius [legionis]. Cf. L. Renier, Inscriptions de l’Afrique, no  129 et 425 [Corpus inscriptionum latinarum, t. VIII, nos 2353, 2827].
  2. On trouvera ce sermon in vigilia Pentecostes dans l’édition de Lou-