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souvenirs d’une actrice.

avaient même des maisons de plaisance, et on se croisait sans cesse sur cette route. Les douaniers ne faisaient attention qu’aux voyageurs qui pouvaient y passer des marchandises. Le théâtre de Lille y donnait des concerts et des représentations. Les émigrés étaient persuadés alors qu’il leur suffirait de se montrer aux portes de Paris, avec l’armée de Condé, pour y entrer, et qu’on les recevrait comme des libérateurs. Leurs biens n’étant point encore confisqués, ils avaient de l’argent, et ils en usaient comme si cela eût dû ne jamais finir : d’ailleurs ils avaient, quelques-uns du moins, pour s’en procurer, des moyens que l’on ignorait encore.

Ce fut à cette époque que le sacre de l’empereur d’Allemagne eut lieu. Cette solennité attira un monde prodigieux à Tournay : les concerts, les bals, les fêtes, s’organisaient d’avance. Je partis donc pour cette ville avec une dame artiste comme moi. Nous étions persuadées que nous trouverions des logements, ou tout au moins une chambre, dans la maison où nous avions l’habitude de descendre ; mais tout avait été pris de vive force, et il y avait tellement