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souvenirs d’une actrice.

peu à peu son petit estomac à supporter les aliments. Tout porte à croire qu’elle appartenait à des parents français habitant Moscou ; car, parmi les femmes qui étaient venues volontairement de France avec leurs maris, et celles qui s’étaient sauvées, aucune je pense, n’aurait abandonné son enfant.

« — Pourquoi ne vous en chargeriez-vous pas, me dit cet officier, vous qui êtes si bonne. — Je ne demanderais pas mieux, mais je ne possède plus rien, que puis-je faire pour elle ? — Ce que vous faites pour tous ces malheureux, lui donner vos soins. — Des soins ne procurent pas l’existence. — Ils la soulagent, répondit-il, et nous ferons en nous réunissant le peu qui sera en notre pouvoir : ce sera le denier de la veuve. »

Mes yeux se remplirent de larmes en contemplant cette jolie petite compagne d’infortune, pour laquelle j’éprouvais déjà un bien vif intérêt. Un de ses pieds était presque gelé. Comme j’avais guéri plusieurs personnes avec un remède fort simple, du jus de pomme de terre, je l’employai pour elle, et cela me réussit.

J’allai le lendemain chez le maréchal Koutousoff.