Page:Fusil - Souvenirs d’une actrice, Tome 2, 1841.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
336
souvenirs d’une actrice.

Quelques heures avant sa mort, tout le monde dormant autour de lui, il m’appela, et me dit à voix basse : « Je ne passerai pas cette nuit. » J’employai tous les moyens pour le rassurer, et je lui dis ce qu’on peut dire en pareille circonstance. « Comme il est probable, reprit-il, que vous retournerez bientôt en France, car on ne retiendra pas les femmes, coupez une boucle de mes cheveux, car après ma mort vous aurez peur de moi : dites à mes parents que je vous recommande à eux. Si j’en avais la force, j’écrirais à ma mère. Vous avez tout perdu ; elle est riche, elle n’oubliera pas votre dévouement. Il me dit ensuite beaucoup de choses touchantes qui m’émurent profondément.

Il fut enterré d’une manière décente pour un pareil moment ; et, selon l’usage du pays, on le couvrit de ses habits. Lorsque j’entrai dans la chambre où il était exposé, je fus frappée en le voyant. La première fois que je le vis dans la maison qu’habitait son père, il était minuit, et il dormait couché sur un banc ; il avait le même costume et la même altitude. Cette conformité de situation, ce