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souvenirs d’une actrice.

village désert pour y passer la nuit. Nous étions tout près de la Bérésina. Le lendemain de grand matin l’on donna l’ordre du départ, mais il fut si prompt qu’il occasionna un assez grand désordre. Le jour commençait à poindre dans un ciel brumeux. Mes forces étaient revenues, car j’avais pris de la nourriture. Je montai dans la calèche, précédée d’un détachement de la garde.

L’empereur était debout à l’entrée du pont pour faire presser la marche. Je pus l’examiner avec attention, car nous allions doucement : il me parut aussi calme qu’à une revue des Tuileries. Le pont était si étroit que notre voiture touchait presque l’empereur. « N’ayez pas peur, dit Napoléon ; allez, allez, n’ayez pas peur. » Ces mots qu’il semblait m’adresser particulièrement, car il n’y avait pas d’autres femmes, me firent penser qu’il devait y avoir du danger.

Le roi de Naples tenait son cheval en laisse, et sa main était appuyée sur la portière de ma calèche. Il dit un mot obligeant en me regardant. Son costume me parut des plus bizarres pour un semblable moment et par un froid de vingt degrés. Son col ou-