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souvenirs d’une actrice.

trer dans un moment où ils ne trouvaient rien à manger.

Lorsqu’ils m’assaillirent, j’éprouvai une frayeur qui me fit presque tomber ; cependant j’eus la précaution de me jeter hors de leur palier, car c’est ordinairement cet espace qu’ils défendent. Mais ceux-ci étaient tellement affamés, qu’ils me poursuivirent et se jetèrent sur mon châle, qu’ils mirent en pièces, ainsi que ma robe, qui cependant était ouatée et d’une étoffe assez forte… Je ne savais plus à quel saint me vouer, quand enfin mes cris attirèrent un homme, qui semblait m’être envoyé du ciel, car je ne pense pas qu’on eût pu en trouver un autre de ce côté de la ville. C’était un mougick, armé d’un gros bâton, dont il se servit pour disperser ces chiens, mais ce ne fut pas sans peine. Je fus obligée de revenir dans ma maison, que je ne croyais plus revoir, et je fus bien heureuse d’y retrouver les habits que j’y avais laissés ; les miens étaient en lambeaux. Je frémis encore lorsque je pense que ces chiens pouvaient être enragés… Ce commencement de voyage n’était pas un heureux présage. Quand