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leur offre des coppies à imprimer. Ils ne veulent prendre que celles d’une certaine caballe qui leur plaist, encore les payent-ils à leur mode, et il leur faut jetter les autres à la teste, encore n’en veulent-ils point imprimer.

Vous m’avez fait cent fois la mesme plainte de vos libraires (dit Collantine) ; pourquoy les voudriez-vous obliger à imprimer vos livres, si le debit n’en est pas heureux ? Que ne les faites-vous imprimer à vos frais, à l’exemple d’un certain autheur dont j’ai ouy parler au Palais, qui en a pour cinquante mille francs sur les bras. J’aimerois mieux, si j’estois à votre place, vendre mes chevaux et mon carrosse, pour acheter la gloire qui m’en reviendroit, puisque vous en estes si affamé. Ou plustost, que ne quittez-vous tout ce fatras de compositions philosophiques, historiques et romanesques, pour compiler des arrests, des plaidoyers ou des maximes de droit : dame ! ce sont des livres qu’on achete tousjours, quels qu’ils soient, et il n’y a point de libraire qui n’en fust aussi friand que des Heures à la chancelliere113. Mais, je vous prie, brisons là, car je vois bien que vous voudriez faire en replique une longue do-


113. Exercice spirituel, contenant la manière d’employer toutes les heures du jour au service de Dieu, par V. C. P., dédié à Mme la Chancelière. La corporation des relieurs de Paris avoit fait cette galanterie à madame Séguier, pour se rendre favorable le chancelier, sous la direction duquel toutes les corporations dépendantes de la librairie étoient placées. Le succès de ce livre dura plus d’un siècle ; en 1767 le libraire de Hansy en donna encore une édition, reproduisant la dédicace que Collombat avoit faite pour la première. Il n’y avoit de changé que la Chancelière, à qui l’on dédioit.