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L’HOMME À L’HISPANO

temps, j’ai un cœur ivre de tendresse. Et il y a des minutes où j’ai en moi tous les désirs de la terre.

Heureuse, elle l’écoutait. Sa voix était chaude, ardente, nuancée, et les mots y étincelaient comme des pierres précieuses sur un velours sombre. Il se tut quelques secondes et, sans timbre cette fois, avec une frénésie de jeune arbre secoué par le vent, il articula ;

— Vous représentez tout cela pour moi, tout. Vous êtes tout ce que j’attends de la vie, toute sa splendeur et son charme… tout ce qu’elle a d’impossible. Vous êtes tout cela.

Elle restait immobile, sans lui répondre, environnée de sa flamme. Enfin, elle s’exclama, avec une joie contenue :

— Ah ! je savais bien, je savais bien qu’il y avait dans le monde un homme qui me ressemblait.

Une minute, une longue minute ils restèrent l’un près de l’autre, en silence, oppressés comme si le ciel était moins dans le ciel que dans leurs cœurs. Ils frémissaient d’impatience et de langueur. Enfin, il dit, et d’un ton bizarre, simple et doux, à la façon d’un enfant, avec un sourire d’enchantement un peu las :

— Je voudrais mourir près de vous…

Simple et saine, elle rit de l’idée trop exaltée. Toujours elle restait sans morbidesse, en vraie descendante de la vieille race des Coulevaï :