Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
l’homme à l’hispano

Mais Georges lui répondit non : jamais elle ne saurait qu’il lui avait menti. Il dit qu’il lui adresserait une lettre pour prétexter un voyage, et puis plus tard, une autre pour lui apprendre que son absence se prolongeait, et qu’enfin il laisserait agir le temps. Jamais il ne la reverrait. Les paroles de son ami lui donnaient de la force. Il emporterait son chagrin et pleurerait la vivante comme une morte. Montnormand lui demanda de lui jurer qu’il partirait ainsi. Il le jura. Alors, le vieux notaire sut qu’il l’avait sauvé. Ils s’embrassèrent et Dewalter resta seul.

Il ouvrit la fenêtre et respira l’air froid de la nuit.

Il se sentait désespéré mais résolu. Il eut le courage, qu’il n’avait pas eu depuis quarante-huit heures, de prendre soin de lui. Il se rasa, s’habilla et descendit dans la ville. Il alla dîner dans un petit restaurant près de la gare Saint-Lazare et il s’obligea à lire un journal. Mais il était incapable de comprendre une ligne. Il s’occupa d’examiner sa douleur, sachant qu’il allait falloir vivre avec elle. Il était décidé à la discipliner comme une compagne de tous les jours, comme une servante fidèle qu’il allait emmener en exil. Chaque fois que l’image de Stéphane surgissait en lui, il la regardait en face, voulant s’habituer à lui sourire. Il souriait, et sa souffrance était terrible. Pourtant, il était satisfait de son courage. Il se sentait sur la vraie route et il