Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
l’homme à l’hispano

verticale et, vers elle, levait sa tête confuse. Il tremblait dans ses vêtements tandis qu’il affectait de ne plus dire que des paroles ordinaires et ils sentirent l’ébranlement des essieux. Le train qui emportait Stéphane était en marche.

Elle lui envoya un baiser de sa main gantée et il la vit déjà à dix mètres de lui…

Deux ou trois secondes il resta ainsi, la contemplant, et puis, brusquement, et ne sachant plus ce qu’il faisait, il prit sa course tandis que s’accélérait la vitesse des roues. Elle le regardait sans comprendre et elle ne comprit que quand il fut de nouveau auprès d’elle : il avait sauté sur les marches et il était monté dans le wagon. Son chapeau était tombé. Il partait sans rien, sans bagage, nu-tête. Il serrait les dents avec une telle puissance que ses mâchoires se dessinaient sous son visage maigre et que, d’abord, il fut incapable dé dire un mot.

Stupéfaite et joyeuse, elle s’exclamait de sa folie. Mais, toujours muet, avec une ardeur sombre, il l’entraînait dans sa cabine et, la porte refermée, il l’arrachait de son manteau. Il la pressait dans ses bras et semblait vouloir se confondre avec elle. Ils entendirent dans le couloir le maître d’hôtel du restaurant qui criait le premier service. Alors ils rirent, sachant qu’ils n’iraient pas dîner. Ils agissaient sans raison, ivres l’un de l’autre, tumultueux et anxieux à la fois, comme dés guerriers au combat.