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L’HOMME À L’HISPANO

tares sur leurs visages. Il vit un couple. C’étaient des jeunes mariés qui faisaient leur voyage de noces. Il leur parla. Il s’efforçait de discerner dans leurs réponses la différence de leurs natures et de prévoir comment et dans combien de temps, ils seraient pour la première fois désunis. Elle était languide, disposée sans doute à être bientôt lasse et désenchantée. Lui, c’était un homme de la terre, naïvement épris et sensible. Oswill conclut qu’elle le rendrait triste. Leur bonheur était visible, mais sans doute l’épouse ne tarderait-elle pas à amener la neurasthénie dans le ménage et le mari, pour la lutte de la vie, perdait quelques-unes de ses armes. Le maniaque se complut à le prévoir et il s’en réjouit, comme s’ils eussent été des ennemis. Avec une sombre habileté, une odieuse bonhomie, il s’efforçait de les troubler d’avance et il leur disait des choses aptes à faire naître entre eux une différence d’opinions quand, ensemble, ils en reparleraient, Ils ne sentaient pas le poison et s’amusaient de ses paradoxes. Pourtant, il eut la félicité à deux reprises de s’apercevoir, à un geste de la femme, à une réflexion de l’homme, qu’il leur avait fourni une matière à discussion. Ils l’écoutaient gentiment, assis et serrés l’un contre l’autre, et, le navire glissait dans la nuit limpide. Ils voyaient dans l’ombre son visage narquois, le petit incendie de son brûle-gueule et la braise chaude de ses yeux méchants. Mais il les