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L’HOMME À L’HISPANO

dans les maisons, les lampes faisaient l’office de falots.

Devant la machine, il y avait une auberge, plus longue qu’elle, et pas de beaucoup. Les vitres de la salle basse exposaient l’intérieur : une cheminée noire comme une pipe, des jambons pendus, un chat maigre sur le comptoir. Trois rouliers mangeaient à une table, et, devant une autre, dînaient deux hommes des villes.

Ils avaient quitté Bordeaux vers quatre heures. Depuis, la grande voiture pur sang, la bête de luxe avait troué les paysages. Ils avaient vu des arbres, des arbres, des arbres. Ils avaient effarouché les mules, les sangliers, les gibiers des étangs. Comme un projectile, ils étaient entrés dans le soir paisible. Maintenant, ils faisaient halte à Castex, à vingt kilomètres de Bayonne.

Ils sortirent de l’auberge. Deléone était gras et huileux, pareil au suffète de Carthage qu’on hissait sur des éléphants à l’aide d’un treuil et d’une poulie. Georges Dewalter avait de la grâce et de la beauté. Son visage, d’une forme noble, la tristesse, mais charmante, de son sourire et surtout ses yeux, ses yeux changeants aux douceurs claires, étaient les signes visibles de son esprit passionné. Il semblait énergique et bon, meurtri par l’incessante débauche d’être sensible. Il paraissait avoir trente ans et il portait le ruban de la Légion d’honneur. Il le portait sur son pardessus de voyage.