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DE JEAN FROISSART.

Je le raporte
À celle fin, entent bien ma leçon,
Qu’entrer ne voeil de toi en souspeçon,
Car je t’aim plus que Hero Léandon,
Ne Medée n’ama le preu Jason.
Mon coer, m’amour te donne en abandon.
Or en use sans nulle desraison.
Aies tout dis loyal entention
Et te conforte

À loyauté maintenir te deporte ;
Je ne te voeil estre enfrune ne torte ;
Mes justement de mon bon coer t’enorte
Que je voeil que no coer tout d’une sorte
Soient, et se nuls nul mal nous raporte,
Jà n’entera jalousie en no porte.
De ce serai vraie ententieve et forte,
Je le te jure.
Mès je te pri qu’un petit te susporte
Pour mesdisans que male mort en porte.
De ce que vois riens ne te desconforte
Segurement sus ce que di endorte,
Un temps vendra qu’encor diras : « Ressorte
» Joie en nos coers qui ores se transporte.
» À tout le bien que tu poes te ramorte
» Et t’assegure ;

» Ensi que di, je te serai segure,
» Et se je t’ai esté un peu plus dure
» Que ne vodrois, de tout ce ne fai cure,
» Car la pitouse vie maint en l’obscure.