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POÉSIES

Tout en arse m’avoit féru,
M’a presentement secouru ;
Ce fu d’une pensée douce.
Errant me chéi en la bouche,
Et en la souvenance aussi.
Dont, pour lors, trop bien me chéi
Que dou Baillieu d’amours avoie
Le livre. Tantos li envoie
Au plus bellement que je poc.
Or vous dirai quel pourpos oc.
Avant ce que li envoiai
En un penser je m’avoiai,
Et dis à par moi : « Tu vois bien
» Que celle qui tant a de bien
» N’ose requerir de s’amour,
» Et vifs de ce en grant cremour ;
» Car tant doubte son escondire,
» Que pour ce ne li ose dire.
» Dont ferai-je une chose gente :
» Que j’escrirai toute m’entente
» En une lettre, et le lairai
» Ou livre ou quel je l’enclorai
» Elle le trouvera sans doubte. »
À ce pourpos mis errant doubte
Et dis : « Il poroit moult bien estre
» Qu’en aultres mains venroit la lettre ;
» Et je ne vodroie, à nul foer,
» Qu’en adevinast sus mon coer.
» Espoir tels ou tele l’aroit
» Qui trop fort grever m’i poroit.