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VIE

pendant dix ans, et toute sa vie devait être consacrée au culte de la divinité qui lui faisait de si belles promesses.

Froissart avait aimé de bonne heure les romans ; celui de Cléomadès[1] fut le premier instrument dont l’amour se servit pour le captiver. Il le trouva entre les mains d’une jeune personne qui le lisait, et qui l’invita à le lire avec elle ; il y consentit ; de pareilles complaisances coûtent peu : il se forma bientôt entr’eux un commerce de livres. Froissart lui prêta le roman du Baillou d’Amours[2], et en le lui envoyant, il y glissa une ballade dans laquelle il commençait à parler de son amour. Ce feu naissant devint un embrasement que rien ne

    Et me dit : Dix ans tous entiers,
    Seras mon droit servant rentiers ;
    Et en après, sans penser visce
    Tout ton vivant en mon servisce.

    Ibid.

  1. Le roman de Cléomadès ne pouvait manquer d’être fort à la mode dans le pays de Froissart ; une princesse de Brabant (Marie, reine de France, seconde femme de Philippe le Hardi) en avait dicté l’histoire ou plutôt la fable au roy Adenez, menestrier de son père Henry III, dit le Débonnaire, duc de Brabant, et il était dédié à un comte d’Artois. Voyez dans Fauchet (Recueil des poëtes français), un grand détail de ce roman et de son auteur. Parmi plusieurs Mss. curieux du cabinet de M. de Sardière, il y en a un de la fin du xiii.e siècle, in-fol.sur vélin, très-beau et très-bien conservé, qui contient huit ou dix ouvrages de nos plus anciens poëtes, dont le premier est le roman de Cléomadès.
  2. Je ne connais point ce roman. Le Baillou d’Amours signifie le Baillif d’Amour.