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POÉSIES

Que trop volontiers m’esbatoie,
Et tels que fui encor le sui ;
Mès ce qui fu hier n’est pas hui.
Très que n’avoie que douse ans,
Estoie forment goulousans
De véoir danses et carolles,
D’oïr ménestrels et parolles
Qui s’apertiennent à deduit ;
Et de ma nature introduit
Que d’amer par amours tous ceauls
Qui ament et chiens et oiseauls.
Et quant on me mist à l’escole,
Où les ignorans on escole,
Il y avoit des pucellettes
Qui de mon temps èrent jonettes ;
Et je, qui estoie puceaus,
Je les servoie d’espinceaus,
Ou d’une pomme, ou d’une poire,
Ou d’un seul anelet de voire ;
Et me sambloit, au voir enquerre
Grant proece à leur grasce acquerre ;
Et aussi es-ce vraiement ;
Je ne le di pas aultrement.
Et lors devisoie à par mi :
Quand revendra le temps por mi
Que par amours porai amer.
On ne m’en doit mies blasmer :
S’à ce ert ma nature encline,
Car en pluisours lieus on decline
Que toute joie et toute honnours